Traduit de l’anglais par Anne-Sophie Greloud

Éditions GOPE, 410 pages, 13 x 19 cm, 20.95 €, ISBN 979-10-91328-48-7

mardi 6 novembre 2018

On en parle sur Babelio (3/3) : une lecture pleine de fraîcheur et engagée

Article original

4.5/5★

Dans les années 60, Vénérable petite grenouille (alias Justin) baigne dans la double culture thaï et britannique, une aimable manière de dire qu’il peine un peu, du haut de son âge, à s’y retrouver. A défaut de savoir renouer avec ses racines, ce petit Anglais manqué tente périlleusement de se raccrocher aux branches en s’astreignant rigoureusement à ne communiquer avec ses compatriotes de Bangkok que dans le dialecte de Shakespeare, prix de sa tranquillité, semble-t-il. Il troque volontiers la soupe de riz traditionnelle contre un breakfast so british, ne sacrifie rien à ses habitudes qu’il brandit comme un étendard de sa singularité. Jeune garçon à l’imaginaire intarissable, l’aventurier solitaire nous embarque, à travers cette année charnière, dans des mondes insoupçonnés, si bien que le lecteur finit lui-même par se perdre, toujours un pied dans le réel et l’autre dans on ne sait quelle version fantaisiste de sa réalité.

Alors qu’impuissant il assiste à la mort tragique de son caméléon Homère, dédicace à la passion inconditionnelle qu’il voue à la littérature antique, empalé par un croco en escarpin au cours d’obsèques familiales interminables et complètement abracadabrantesques, Justin, dans toute l’innocence qui le caractérise au début du roman, tombe nez à nez avec sa nourrice pour qui il cultive une fascination sans bornes, dans une position compromettante, en plein festin et ce, à plusieurs niveaux. Un épisode qui sera, par ailleurs, l’occasion de faire la rencontre de sa grande aïeule, une vieillarde chiqueuse de bétel au verbe trempé, lisant en lui comme un livre ouvert malgré les trois générations qui les séparent. Une rencontre qui résonnera comme le commencement de son rite initiatique et participera activement à l’éveil de sa conscience. Parce que c’est bien cela que Galant de Nuit nous conte.

Le récit est ponctué de notes humoristiques et poétiques, généreusement enrobé de métaphores pertinentes et savoureuses. La progression est découpée en diapositives, à l’instar de la vie du garçonnet, sous forme d’instants figés, une narration très visuelle qui sert le plaisir de la lecture. le lecteur est transporté dans un univers surprenant au folklore fascinant, imbibé d’effluves de manguiers et de jasmin, aux mœurs et coutumes décomplexées assez éloignées de l’image pudique qu’il pouvait nourrir pour cette civilisation bien mystérieuse et inaccessible.

Les personnages sont finement ciselés, une galerie haute en couleur en passant par les trois Parques, ses tantes attachantes et souvent ridicules faisant de la Petite Grenouille l’otage de leurs querelles et excentricités, ce dernier se plaisant à se saisir de toutes les occasions pour monnayer sa liberté ; Virgil O’Leary, pur produit de l’esclavagisme géorgien au charisme prégnant, qui va l’initier à sa nouvelle vie de « criminel » comme il se plaît à se la représenter et en compagnie duquel il va se frotter aux mystères de la sexualité ; et tant d’autres.

Une lecture pleine de fraîcheur et engagée qui m’a littéralement enchantée et pour laquelle je remercie chaleureusement les Editions Gope et l’équipe Babelio.

RAPHIKI

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