Traduit de l’anglais par Anne-Sophie Greloud

Éditions GOPE, 410 pages, 13 x 19 cm, 20.95 €, ISBN 979-10-91328-48-7

dimanche 4 novembre 2018

On en parle sur Babelio (1/3) : une grande fresque d’une enfance thaïlandaise

Article original


4/5 ★

Ce roman me fait penser à ce que je sais de Tom Sawyer et de Huckleberry Finn. Dans un pays exotique, où règne un cours d’eau, des enfants font les 400 coups et se confrontent au monde pour un jour devenir adultes. On y parle aussi de l’esclavage, dont le héros constate les traces et la guerre, si loin si loin.

Récit au long cours que le narrateur, à présent plus âgé, prend en charge. D’abord, une succession de saynètes, comme autant de clichés photographiques, puis le flot narratif aidant, le récit de l’enfance de Justin, des multiples petits évènements fondateurs qui l’ont amené à sortir de l’enfance.

Le regard de Justin est vraiment précieux pour la narration. Quoiqu’il n’ait que 12 ans, sa connaissance des classiques lui permet d’avoir une grille de lecture assez fine de la psychologie humaine. Très érudit, il nourrit son imagination de récits antiques, y mêle quelques mythes locaux et les films qu’il voit. La réalité qu’il décrit est filtrée par ces récits. Ses tantes deviennent les Parques, son caméléon, Homère, et lui-même deviendra le héros Énée sauvant son ancêtre des flammes de Troie, Orphée se rendant aux Enfers...

La sensibilité dont il fait preuve et son regard acéré mettent déjà en avant ses qualités artistiques, bien que sa lucidité impatiente en souligne l’immaturité.

Cette année 1963, passée dans le domaine paradisiaque très fermé de sa famille thaïlandaise est à la fois l’apothéose de son enfance et les multiples éveils au monde adulte. Ainsi, Justin va découvrir l’amitié, l’amour, les conflits nés de préjugés sociaux, le sexe et la mort, tous enseignements qui lui permettront de passer à l’âge adulte.

Beaucoup d’éléments sont propres à l’univers thaïlandais et tendent à montrer aux lecteurs la relativité des points de vue et des civilisations. Une belle initiation pour Justin comme pour ses lecteurs.

La langue est belle. Elle rend fidèlement les sentiments complexes du personnage, l’univers dans lequel il vit et le monde qu’il découvre peu à peu.

La narration, complexe elle aussi, parvient bien à entremêler les différents enseignements que Justin tire de ses aventures enfantines. Nous suivons avec intérêt les personnages secondaires, les tantes, l’arrière-grand-mère, les amis : Virgil, le Noir américain, qui n’arrive pas à se débarrasser de l’idée qu’il mérite les traitements racistes qu’on lui inflige, la très informée Griselda, Wilbur et Piet, deux garçons téméraires victimes de leurs préjugés et Jessica, angélique et sauvage.

S. P. Somtow nous offre la grande fresque d’une enfance thaïlandaise, pétrie de culture occidentale et orientale et décortique pour nous ce qui a construit l’humaniste et l’écrivain. Un joli voyage qui se savoure, lentement, au rythme d’une traversée du Khlong.

Ghiblitotoro

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